Valentin Morlec  “Sortir la tête de l’eau”

Une saison pour tout remettre en question. Et tout reconstruire.

Ces derniers mois, Valentin Morlec a connu une saison singulière, marquée par un accident, une période de doute et une profonde remise en question.
Entre frustration, réflexion et retour à la performance, il raconte sans détour une aventure humaine autant que sportive.

Une période de galère

Au lendemain de son accident, la reconstruction a été lente, parfois douloureuse. Valentin revient sur ces semaines où tout semblait s’effondrer.

« Ces derniers mois n’ont pas été simples.
Le mois qui a suivi l’accident a été particulièrement difficile, surtout physiquement. Mes genoux étaient abîmés, mon corps était encore sous le choc. J’ai mis un bon mois à revenir à un état physique normal : pas à m’entraîner, simplement à fonctionner normalement.

Mais au-delà du physique, c’est surtout mentalement que ça a été compliqué. Il fallait remplir des critères, retourner vite en course, il y avait beaucoup de pression. Et paradoxalement, je suis revenu assez vite à un bon niveau physique, ce qui aurait dû être rassurant sauf que mentalement, ça n’a pas suivi.

J’ai explosé un peu en vol après des courses complètement ratées. Et puis, il y avait aussi ce sentiment d’injustice : les plaintes n’avançaient pas, je ne me sentais pas réellement soutenu, ni reconnu comme victime. J’avais plutôt l’impression qu’on mettait un mouchoir sur cette histoire, qu’on me voyait juste comme un athlète devant remplir ses obligations de performance, sans vraiment se soucier de l’humain qu’il y avait derrière.
Avant l’été, c’était une période de forte pression. Et en juillet, mentalement, j’ai complètement décroché. »

Le temps du doute

Quand le corps dit stop, le mental prend le relais. Valentin ne cache pas qu’il a traversé une vraie crise existentielle, jusqu’à envisager d’arrêter.

« Je ne dirais pas que j’ai fait une dépression, mais j’étais clairement dans un état de burn-out.
Plus envie de rien faire, plus envie de parler à personne. J’évitais les sujets importants. J’avais besoin de mettre le triathlon de côté, de penser à autre chose.

À ce moment-là, j’ai même envisagé une reconversion. Honnêtement, je me suis posé la question : est-ce que je veux encore faire ça ?
J’étais dans une période où je n’étais pas prêt à me projeter dans le sport de haut niveau. Alors j’ai commencé à m’intéresser à d’autres horizons, à chercher des solutions à côté.

Je suis allé très loin dans cette réflexion. J’ai échangé avec des policiers pour savoir si ce métier pourrait me plaire. C’était une vraie introspection : qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? Avec qui je veux m’entourer ? Qu’est-ce que je veux construire ?

J’ai beaucoup discuté avec mes proches, mes coachs, et aussi d’autres athlètes internationaux. Tous m’ont soutenu et m’ont trouvé un peu fou d’envisager d’arrêter là.

Et c’est justement ça qui m’a aidé à garder le cap. Être entouré, prendre le temps de réfléchir à ce que je veux vraiment.
Parce qu’un accident comme celui-là, ce n’est jamais anodin. Ça aurait pu être bien plus grave. Alors forcément, tu te remets à tout questionner : est-ce que tu veux continuer à te mettre en danger ? Est-ce qu’il y a autre chose à vivre ?

Ce cheminement m’a permis de sortir la tête de l’eau, petit à petit. »

Le retour

Puis vient le moment où tout bascule à nouveau. Après des mois de doute, le plaisir revient, et avec lui, les performances.

« Le retour sur le podium, ça représente beaucoup.
Après mes Coupes du Monde du début de saison, mes principaux objectifs comme la qualification aux Championnats d’Europe  étaient devenus inatteignables. Il a donc fallu rebattre les cartes, redéfinir les priorités.

Avec Anaël, Simon, et tous les cadres de la Fondation, on a mis en place une stratégie simple : revenir sur un terrain plus national, retrouver du plaisir en course, reprendre confiance. On ne parlait plus de performance, mais de stratégie, de sensations. Retrouver les bases.

Alors forcément, faire une belle course à Cabourg sur la finale du Lindahls Pro+, c’était un vrai aboutissement. C’est le meilleur résultat de ma carrière sur ce circuit, et ça faisait plus d’un an que je n’étais pas monté sur un podium. L’émotion était très forte.

La semaine précédente, à La Baule, j’avais déjà battu ma meilleure place. Et là, enchaîner avec une nouvelle “meilleure place”, c’était un symbole fort.

Au-delà du résultat, c’est le scénario qui m’a marqué : j’ai couru de A à Z devant, avec un plan clair. Je me suis senti lucide, maître de ma course. Et surtout, j’ai retrouvé le mental : celui qui m’avait manqué ces derniers mois.

Puis il y a eu Rome, la Coupe du Monde. Trois week-ends de course qui s’enchaînent, c’était aussi un test pour prouver que les bons résultats n’étaient pas juste un “one shot”. Je voulais me prouver que j’étais sur une vraie dynamique, que je pouvais me battre à nouveau avec les mêmes gars qu’avant l’accident.

On peut parler d’un vrai retour, oui. Un déblocage mental, un niveau physique retrouvé. Et à l’arrivée, le sentiment dominant, c’est le soulagement.

Tout s’est inversé assez vite : d’avril à juin, j’étais au fond du trou, et en l’espace de trois mois, d’août à septembre, j’ai réussi à remonter la pente. Aujourd’hui, en octobre, je me sens vraiment de retour. »

Le travail de fond et l’entourage

Derrière le retour, il y a surtout un collectif.
Celui de la Fondation RESPECT, d’Anaël Aubry, de Simon Gouédard et du staff, qui ont accompagné Valentin dans sa reconstruction physique et mentale.

« L’entourage, le travail de fond, ça a été essentiel.
Comme je le disais, mon retour physique a été beaucoup plus rapide que le retour mental, et ça, c’est en grande partie grâce à la Fondation.

Ils m’ont accueilli deux fois deux semaines en stage pendant les périodes les plus compliquées.
La première semaine, j’avais des soins pratiquement tous les jours, parfois deux fois par jour. Forcément, avec ce suivi-là, ça ne pouvait qu’aller de mieux en mieux, et assez vite.

Anaël, Simon et toute l’équipe de la Fondation, c’est vraiment un accompagnement de luxe. Parce qu’au-delà du matériel ou du soutien financier, il y a une vraie présence, un vrai suivi humain, sans pression. On sent qu’on est soutenu, peu importe les résultats. L’aide est la même, que tu sois au top ou en reconstruction. Et ça, c’est rare.

Là où, ailleurs, on te pousse parfois à revenir vite, à performer tout de suite, la Fondation a su m’écouter, m’accompagner à mon rythme.
Anaël, ces derniers mois, a presque été plus un préparateur mental qu’un préparateur physique.
Il m’a laissé le temps de réfléchir, de reconstruire ma confiance, de travailler sur la stratégie et sur l’approche des courses.

Ce qui a changé dans mon approche, c’est d’abord cette fraîcheur mentale. On est en octobre, et j’ai les crocs. Là où certains arrivent au bout, moi j’ai encore toute l’énergie et l’envie.

J’ai eu tellement de frustration au milieu de saison que je ne peux qu’être enthousiaste aujourd’hui. Cette dynamique me porte.

Et puis, il y a aussi eu des ajustements concrets dans la préparation : on a adapté le volume, anticipé davantage les phases d’affûtage pour arriver très frais sur les courses.

On a créé une vraie routine : je sais exactement quels jours sont clés, comment structurer mes semaines.
Tout est cadré, fluide. Et c’est sans doute ça, aujourd’hui, ma plus grande force : dérouler, sans chercher à en faire trop, avec confiance. »

L’avenir

À présent, place à la suite. Trois Coupes du Monde pour clore la saison, et déjà le regard tourné vers Los Angeles 2028.

« Ces deux résultats me redonnent évidemment confiance.
J’ai encore trois Coupes du Monde à disputer en fin de saison, et l’objectif, c’est clair : engranger un maximum de points, remonter au classement, et montrer que je fais partie de ceux sur qui il faudra compter dans les années à venir.

On est dans une période de transition au sein de l’équipe de France : il y a un vrai changement de génération, et aucune place n’est verrouillée.
À moi de prouver que j’ai ma place dans ce collectif permanent.

À court terme, le cap est donc mis sur ces trois courses : deux au Chili et une au Brésil, les 2, 9 et 16 novembre.
L’objectif : décrocher à nouveau des podiums réguliers sur le circuit Coupe du Monde, et, à moyen terme, gagner ma place sur la WTCS.

Si on regarde plus loin, vers Los Angeles 2028, le projet reste le même. Oui, cette saison m’a fait perdre un peu de temps, peut-être quelques places, mais pas mon niveau. Et surtout, pas ma confiance.

De l’extérieur, on pourrait croire que j’ai stagné. En réalité, cette année m’a permis de construire quelque chose de bien plus profond : une meilleure connaissance de moi-même, de nouvelles capacités mentales.

Je ne vais pas dire que je ne regrette pas l’accident, mais je peux dire qu’il n’a pas été inutile.
C’est une épreuve qui m’a permis de comprendre beaucoup de choses sur moi, sur ma manière de rebondir.

Aujourd’hui, je me sens plus que jamais sur les bons rails.
J’ai été dévié un temps par un grain de sable, mais la trajectoire est de nouveau claire.

Le message que j’aimerais faire passer, c’est justement ça : chaque obstacle qu’on traverse a un sens. Rien n’est inutile si on apprend à rebondir.

Et puis, je veux aussi remercier ceux qui ont été là, tout simplement.

La Fondation, bien sûr, mais aussi toutes les personnes qui m’ont soutenu dans l’ombre.
Pierre-Eugène, par exemple, qui est kiné mais a tout fait pour m’aider, même en dehors du terrain sportif, en me mettant en contact avec un avocat. Tout le monde s’est mobilisé.

Ce qui m’a le plus marqué, c’est que ces gens ont cru en moi au moment où, moi, je n’y croyais plus.
Ils ont vu en moi un potentiel que j’avais perdu de vue.
Et quand les autres continuent de croire en toi alors que toi, tu doutes, ça te pousse forcément à te relever.

C’est cette confiance-là, celle des autres, qui m’a permis de retrouver la mienne. »

Un retour qui en dit long

Derrière les résultats, il y a surtout une histoire de résilience, de patience et de confiance retrouvée.
Celle d’un athlète qui a appris à tout remettre à plat — pour mieux repartir.

Parce qu’au fond, comme le résume Valentin :

« Chaque obstacle qu’on traverse a un sens. Rien n’est inutile si on apprend à rebondir. »

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