"Rude" – Maël Garnier raconte sa Transat Paprec, une traversée engagée

18 jours d’Atlantique, deux spis déchirés, des silences, des larmes, une corde à nœuds bricolée et une 4e place accrochée jusqu’à la ligne. Pour sa deuxième Transatlantique, Maël Garnier revient sans détour sur une course pleine d’intensité, d’apprentissage et de résilience.

Une préparation solide, mais une inconnue humaine

Avant le départ, Maël et sa co-skippeuse Cat étaient prêts. "On était dans de très bonnes dispositions, bien entraînés, tout bien anticipé.

"Reste une inconnue : le binôme. On n’avait jamais passé plus de 36 heures ensemble. C’est la grande inconnue."

Leur objectif était clair : jouer devant.

"Podium, top 5. On était alignés. C’était bien."

Physiquement, Maël se sent prêt, épaules détendues, routine validée avec Anaël.

"Mais tu sais que tu pars pour 18 jours assis, que tu vas avoir mal au dos, aux mains, que tu seras trempé."

Le départ : larmes, pression et premiers grains

"Je suis parti avec la larme à l’œil."

Famille, amis, partenaires sur le quai. Puis rapidement la pression monte. Petit parcours intense à Concarneau, où il faut tout donner pour partir devant.

"Ensuite, on bascule en mode large."

La course se structure en trois grandes phases : dégolfage, Portugal-Canaries, Canaries-Antilles.

Crise d’instruments, navigation à l’aveugle

Deux jours après les Canaries, plus d’instruments. Nuit noire.

"Pas de direction, pas de force du vent. On regarde juste la voile, à la frontale."

Maël monte au mât. Le binôme temporise, affale, respire.

"C’était compliqué, on avait déjà 8-9 jours dans les jambes. Mais on a su se reposer, se poser, réfléchir."

Un binôme solide dans les moments critiques

"Dans ces moments chauds, le cerveau fonctionne bien. On s’est écoutés. On a pris les bonnes décisions. Même si ça aurait pu aller plus vite, ça n’aurait pas été mieux. Aucune blessure, matériel préservé. Et on a ramené la machine au bout."

5. Doutes et spi déchirés

"On a cassé un premier spi. Puis le deuxième. Panique évitée, mais une question plane : est-ce qu’on va tenir ?

Finir sans spi, c’est très long. On n’a jamais pensé à abandonner, mais on a douté de notre capacité à revenir dans le match."

Bricolage, débrouille et énergie mentale

"L’énergie, on va la chercher où ? Dans les mois de préparation. Tu n’as pas le droit de jeter tout ça. Même fatigué, même à bout, tu prends sur toi.

Avec peu de matériel, ils recollent, cousent, réparent. 

"On a bricolé un spi. On ne lâche rien."

Larmes, silences et tension à bord

"On a pleuré tous les deux. Des douleurs, de la peine, des incompréhensions."

Peu de fous rires – sauf ce moment lunaire avec les dauphins et un sous-marin – mais beaucoup de silences.

 "Parfois, plus envie de parler. Il faut reconstruire quelque chose de positif."

Ce n’est que dans les 4 derniers jours qu’ils retrouvent une vraie dynamique.

"On y a cru à nouveau."

Finish au couteau et frustration finale

Derniers jours, sargasses et corde à nœuds.

"Une séance de crossfit à bord. Toutes les minutes, jeter et tirer."

Une corde se casse, ils en bricolent une autre. Ils remontent dans le top 3 !

"À quelques heures de l’arrivée, on était aux portes de la première place."

Mais la bascule météo n’arrive jamais. Cap Saint-Barth les coiffe au dernier moment.

"Ils prennent un passage qu’on ne connaissait pas. On finit à 35 secondes."

Une place, une fierté

"Il ne faut pas pleurer cette 4e place. C’est une super remontada, avec du beau monde derrière."

À l’arrivée, de nuit, Maël ne réalise pas.

"Ce n’est qu’en retrouvant ma chérie à terre, mes partenaires, que tout redescend."

Ce que ça dit de lui, de nous

Ce qu’il retient ?

"Le côté combattant. La pluie, l’humidité, les cirés jamais enlevés. Et pourtant on finit sur une note positive."

Il sait qu’il a tenu. Qu’il a encore du travail à faire sur la communication à bord, sur la fatigue, l’agacement.

"Mais je sais maintenant que je peux partir longtemps. Que je suis fait pour être seul."

Ce que ça dit de lui, de nous

La suite, c’est un Tour de Bretagne avec Ronan Tressart.

"Encore de l’apprentissage, du plaisir, et l’objectif podium."

Quant au Vendée Globe :

 "La Transat m’a montré que je suis prêt. Je connais le support. Je sais bricoler, gérer, anticiper."

Et surtout :

 "Les gens doivent comprendre que ce n’est pas une ligne droite. Ce n’est pas juste un départ et une arrivée. C’est du contact, de la gestion humaine, une solitaire à deux. Et beaucoup, beaucoup de solitude."

Un mot pour résumer ?

"Rude."

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